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Les oiseaux de l'Ile Mandji

Un milieu unique : l’Ile Mandji
Soui-manga de Reichenbach
Soui-manga de Reichenbach
sur une feuille de raphia

L’île Mandji est située à l’extrémité ouest de l’Afrique centrale, dans le delta du fleuve Ogooué qui l’enserre de ses deux bras et la sépare du reste de la mangrove environnante. L’île doit son existence à l’océan, car c’est lui qui a déposé il y a 5000 ans les dunes de sable qui la constituent actuellement. Malgré sa petite taille, elle comporte des paysages très différents et une riche végétation liés à la présence simultanée de sable, d’eau marine et d’eau douce : mangrove à palétuviers, marais d’eau douce, forêt inondée, forêt sèche et savane sèche. Cette diversité se retrouve dans le monde des oiseaux, car certains ne vivent que dans un milieu bien déterminé. Un minimum de 325 espèces d’oiseaux ont été observées sur l’île, de l’énorme pélican dont l’envergure atteint 2 mètres 50 au minuscule souimanga qui pèse moins de 5 grammes, et cette liste s’allonge d’année en année.


Les oiseaux

Les milieux aquatiques recèlent de nombreuses espèces d’oiseaux, souvent faciles à observer aux alentours du Cap Lopez. La mer est le royaume des sternes ou hirondelles de mer, que l’on peut voir en grand nombre sur la plage près du village de pêcheurs béninois. Entre terre et mer, les marais d’eau douce et les mangroves concentrent les hérons et cigognes, dont pas moins de 17 espèces sont présentes.
Hérons, aigrettes et pélicans au Cap Lopez
Hérons, aigrettes et pélicans au Cap Lopez

C’est également un important lieu de migration et d’hivernage pour les limicoles (petits oiseaux à long bec fin et longues pattes) en provenance d’Europe, dont le voyage les emmènera parfois jusqu’en Afrique du Sud. En se promenant à proximité des lacs et petites mares, il n’est pas rare non plus de croiser l’éclair bleu d’un martin-pêcheur en quête de lézard ou de petit poisson, et le vol papillonnant des nombreuses hirondelles cherchant à attraper les insectes en vol.
Martin-chasseur du Sénégal
Le martin-chasseur du Sénégal,
en attente d’une proie
Guêpier à collier bleu
Le guêpier à collier bleu en plein toilettage

Enfin, la présence d’un arbre couvert de « balles de tennis » indique à coup sûr une colonie de tisserins. Ces petits oiseaux de couleur jaune ou noire tissent en effet leurs nids dans des arbres isolés ou au-dessus de l’eau afin de décourager d’éventuels prédateurs terrestres.

En forêt, c’est tout un cortège d’oiseaux discrets que l’on peut observer en sous-bois, pour peu que l’on s’arrête un moment le long d’un des nombreux chemins de sable dans la partie Sud de l’île, entre Ntchènguè et Ozouri. Si les pigeons sont facilement visibles, les bulbuls et les coucous, quoique très présents, se trahissent le plus souvent par leur chant ou leur envol rapide quand on les approche d’un peu trop près.

En bordure de savane, de magnifiques guêpiers très colorés perchés sur des branches mortes attendent les insectes, pendant que les petits souimangas explorent avec fébrilité les fleurs des buissons environnants avec leur bec recourbé. Enfin, lever les yeux au ciel entre deux massifs forestiers permettra immanquablement de voir le fameux perroquet gris du Gabon, ou le vol lourd et hésitant d’un calao, facilement reconnaissable à sa longue queue et son très gros bec.

Les oiseaux rares

Le Cap Lopez, comme toutes les presqu’îles s’avançant largement en mer, est un endroit privilégié pour concentrer les oiseaux migrateurs rares. Pas moins de quatre espèces de limicoles en provenance d’Amérique du Nord ont déjà été observées.

Phalarope de Wilson
Le phalarope de Wilson est un limicole très
rare en provenance des Etats-Unis
 
Guêpier gris-rose
Le guêpier gris-rose, un oiseau
emblématique des savanes d’Afrique Centrale

Ces oiseaux ont donc dû traverser l’Océan Atlantique, puis descendre le long des côtes depuis l’Europe avant d’être observés ici, ce qui constitue une prouesse remarquable. D’autres migrateurs peu fréquents, en provenance de Russie, sont régulièrement observés sur l’île alors qu’ils migrent habituellement à travers l’Afrique de l’Est.

Mais les oiseaux résidents ne sont pas en reste car l’Ile Mandji et le littoral sud-gabonais recèlent plusieurs espèces emblématiques rares et très peu connues. Ainsi, le tisserin de Loango, qui ne se trouve nulle par ailleurs au monde que le long de la côte de Libreville à Cabinda, est bien présent autour de Port-Gentil.

Le guêpier gris-rose, le guêpier à tête noire et le pseudolangrayen d'Afrique (une hirondelle toute noire à bec rouge) sont des espèces typiques des savanes côtières d’Afrique Centrale dont l’observation ne laisse jamais indifférent.

L’Ile Mandji est par ailleurs l’un des endroits les plus accessibles permettant de les voir.


Une reconnaissance internationale

La richesse ornithologique de l‘Ile Mandji est reconnue internationalement. En effet, l’île a un statut d’IBA (Important Birding Area), ce qui traduit la richesse ornithologique de l’île en termes de qualité et de quantité des espèces d’oiseaux observables. Seulement 7 IBA existent au Gabon, incluant le Parc National de la Lopé. L’île Mandji est également avec le delta de l’Ogooué un milieu humide d’importance internationale, listé au sein de la convention « RAMSAR » dont l’objectif est la conservation de la diversité biologique mondiale.

Des espaces à protéger

Les milieux naturels de l’Ile Mandji sont soumis à de nombreuses pressions de la part de l’homme et de l’environnement. Le développement de la ville de Port-Gentil empiète de plus en plus sur les milieux humides bordant le littoral atlantique, ce qui réduit les aires d’alimentation et de repos des oiseaux migrateurs faisant halte au Cap Lopez. En plus de cela, l’urbanisation conduit à des demandes en sable de construction grandissantes, dont la carrière située au sud du Cap Lopez s’étend de plus en plus. L’érosion littorale, dont la cause est à rechercher vers le réchauffement climatique global, devient également un problème dans cette zone. Si le sud de l’île reste relativement épargné par l’urbanisation, la chasse y a fait disparaître l’éléphant, l’hippopotame et le buffle. La culture sur brulis réduit de plus en plus la taille de la forêt sèche, car le modèle agricole qui était viable pour une population villageoise clairsemée ne permet plus la régénération de la forêt suite à l’accroissement de la demande port-gentillaise. Protection des territoires ancestraux et accroissement de la population ne sont cependant pas incompatibles, mais ils demandent une urbanisation contrôlée et une gestion à long terme des milieux. La prise de conscience par tous de la richesse des espaces naturels de l’île est la première étape de ce processus. L’île Mandji fait partie du delta de l’Ogooué, qui est le dernier grand fleuve sauvage d’Afrique.


Pour débuter en ornithologie

Deux éléments sont indispensables pour apprécier pleinement l’observation des oiseaux : une paire de jumelles et un guide d’identification. Malheureusement, il faudra probablement aller les chercher du côté de Libreville. Pour la paire de jumelles, un grossissement de 8 à 10 fois est largement suffisant, compter un minimum de 30 000 CFA pour une qualité optique acceptable. Pour le guide, la référence reste le Guide des oiseaux de l’Afrique de l’Ouest de Nik Borrow et Ron Demey, mais on pourra aussi utiliser le Guide des oiseaux de la réserve de la Lopé, de Patrice Christy. Certains sites internet, comme http://www.oiseaux.net et http://www.africanbirdclub.org permettent aussi d’accéder à de nombreuses photos d’oiseaux.
Enfin, dans un registre plus généraliste, l’excellent Loango, Mayumba et le bas Ogooué de JP Vande Weghe est une mine d’informations inestimable sur l’écologie de la région.

Guillaume Passavy

Un jeu myènè sur les noms d'oiseaux