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Joseph Ambourouè Avaro >> Pressions de toutes sortes
Extraits de courriers :
« Libreville, le 4 octobre 1972
[…] Chez moi, j’ai trouvé le désordre […] en ce sens que
beaucoup de mes papiers avaient disparus : il s’agit surtout de certains
cours
que j’ai pourtant mis tant d’années à préparer et qui étaient à
peu près au point : peine perdue.
J’ai appris alors que pour la
police ma maison étaient devenue un moulin : ils y entraient et
en sortaient quand cela leur plaisait ; ils ne prenaient même pas
soin de refermer les portes et ils le faisaient quand il n’y avait
personne […] C’était déjà difficilement supportable de constater
qu’on va habiter dans une maison où chacun peut entrer et venir
inopinément… Mais la grande surprise c’est de voir les regards sinistres
ou faussement apitoyés des gens. […] Un drôle de spectacle de voir
les « copains » vous fuir ou vous promettre de passer ce soir ou
demain, c’est-à-dire jamais. Je suis déjà au courant de bien des
trahisons […] Mais il y en a d’autres, parents et amis et généralement
de tous jeunes qui me tiennent compagnie. […] L’autre surprise c’est
que tous les étudiants d’histoire
de 2ème année devant repasser la session d’octobre sont actuellement
en prison. Le dernier arrêté l’a été
il y a 3 ou 4 jours. […] A la maison, je suis avec D. et quelques
vieilles femmes viennent me saluer tous les matins, elles pensent
que Dieu interviendra pour moi car le seul mot qu’elles disent c’est
« Anyambyè dadiè »1 […] ».
« Libreville, le 14 décembre 1972
[…] Comme tu peux le constater, je suis toujours en liberté surveillée
ou provisoire : beaucoup de gens en sont étonnés y compris moi-même.
Les gardes de la prison ont maintenant cessé de répéter à Madame B.
quand elle va porter à manger (c’était plutôt les surveillants du
CEDOC) : « ne nous insultez pas, votre mari n’est que l’avant dernier,
il en reste un »… Que faut-il penser de ce silence ? « Oubli » ou
tactique ? […] »
« Libreville, le 1er juin 1973
[…] Pour mon voyage en Europe j’y crois de moins en moins. Tout
d’abord ceux qui décident font le tour du monde depuis un mois
et demi ;
c’est une délégation d’une quarantaine de personne qui est passée
par Maurice,
Paris, Addis Abeba, Bruxelles, La Haye…J’ignore où ces gens mangent
et boivent actuellement toujours est-il qu’aucune décision ne peut
être prise en leur absence, surtout celle de me laisser sortir.
[…] »
1. Littéralement : « Dieu seul »
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