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Joseph AMBOUROUÈ-AVARO

 

Joseph Ambourouè Avaro,  1977Cette courte biographie de Joseph AMBOUROUÈ-AVARO pour que son souvenir reste vivace chez tous ceux qui l’ont connu et apprécié et pour que les autres, qui en ont plus ou moins entendu parler, sachent mieux qui il était.


L’HOMME

Joseph Ambourouè-Avaro est né à Port-Gentil le 17 août 1934, de Pierre-Auguste Avaro (clan Abulia) et Flavienne Nwènimba (clan Adyiwè). C’est cette date qui devait devenir, selon son père, celle de la fête nationale. C’est lui, en effet, avait-il confié, qui aurait suggéré à Léon Mba (premier Président du Gabon) auquel il était lié au sein du BDG (Bloc Démocratique Gabonais) et dont il fut Ministre, de faire de la date du 17 août la date commémorative de l’indépendance du Gabon.

Après son Bac sanctionnant ses études secondaires au Collège Bessieux de Libreville, Joseph Ambourouè avait obtenu une bourse qui devait lui permettre de faire des études supérieures d’histoire-géographie à la Sorbonne. Cette bourse lui fut coupée pour des raisons extra-universitaires. C’était, sans nul doute, pour le punir pour son militantisme au sein de l’AGEG (Association Générale des Étudiants du Gabon) et de la FEANF (Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France). Il était courant, en effet, que les militants de ces organisations estudiantines subissent des suppressions de bourse malgré leurs réussites universitaires alors que d’autres qui cumulaient les échecs, mais qui étaient bien vu, continuaient à en bénéficier. Il dut alors compter sur ses propres forces et c’est ainsi qu’en travaillant il réussit à décrocher ses diplômes d’études supérieures.

Tous ceux qui l’ont connu, à n’importe quel niveau, ont retenu de lui son optimisme qui ne l’empêchait pas pour autant d’avoir conscience de la dure réalité, son éternel sourire, son sens de l’humour, sa gentillesse, son sens aigu de la famille et de l’amitié, sa générosité, son intégrité morale et son refus, à ses risques et périls, de toute compromission et de toute corruption. On sait, par exemple, qu’il n’hésita pas à refuser une enveloppe… ; ce dont on peut raisonnablement penser qu’on lui en a tenu rigueur.

C’est le 17 novembre 1978 qu’il disparut tragiquement dans un accident dont les circonstances n’ont jamais été éclaircies, alors qu’il était aux commandes d’un avion qu’il avait loué à l’AERO-CLUB de Libreville.


LE PROFESSEUR ET LE CHERCHEUR

a)- Le Professeur

Joseph Ambourouè-Avaro fut avant tout Professeur d’histoire-géographie, une discipline qu’il enseigna d’abord en France après la suppression arbitraire de sa bourse, puis au Gabon (Lycée Léon Mba, École Nationale d’Administration, Facultés des Lettres et des Sciences Humaines de Libreville). Ses étudiants et ses collègues se souviennent de sa compétence, de sa rigueur, de sa maîtrise de sa matière, de ses talents pédagogiques et de sa grande patience. Au Gabon, il exerça sa fonction d’enseignant dans des conditions particulièrement difficiles. En 1972 par exemple, il échappa de peu à la vague d’arrestations qui, sous prétexte d’un complot communiste, fut suivie de l’emprisonnement notamment de feu Joseph Réndjambé, de feu Pierre-Louis Agondjo-Okawé, et d’un certain nombre d’étudiants. Il subit alors, comme d’autres, les interrogatoires musclés du redoutable policier français Georges Conan et des pressions de toutes sortes. Mais rien n’y fit. Il fit preuve de sa force de caractère et ne céda à aucune compromission.
C’est dans le cadre de son enseignement et bien que sous surveillance qu’il fut promu Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Libreville, de 1975 à 1978. C’est pourquoi un Amphithéâtre de l’Université Omar Bongo (UOB) porte son nom. Dans cette fonction il fut, aux dires de tous, unanimement apprécié tant sa principale arme administrative fut son savoir-faire, le recours à la persuasion et non à la contrainte.

Malgré ses compétences administratives, il ne resta pas longtemps Doyen. A la suite d’une grève déclanchée par les étudiants pour protester contre leurs conditions de vie et d’études, il fut remercié puis nommé Directeur de la coopération universitaire, un poste purement formel dans la mesure où, comme il devait le confier, il n’avait même pas de bureau.

b)- Le chercheur

Professeur, Joseph Ambourouè-Avaro, d’une grande curiosité intellectuelle, fut aussi chercheur. Il entama ainsi une profonde réflexion sur différents sujets tels que la périodisation de l’histoire africaine, les indices de datation que contient la tradition orale, les grandes lignes de l’histoire du Gabon, une possible comparaison entre les structures des sociétés de la Grèce archaïque et celles des sociétés africaines. Tout cela ne fut, malheureusement pas mené à bien, ce qui ne l’avait pas empêché de faire des communications aux différents colloques ou conférences internationaux auxquels il participa.


L’ŒUVRE

C’est dans le cadre de ces recherches qu’entre l’œuvre qu’il nous a laissée : sa thèse de Doctorat de 3ème Cycle : Un Peuple Gabonais à l’Aube de la Colonisation : le Bas-Ogowè au XIXe siècle, publiée en 1981 avec le concours du Fonds International pour la promotion de la Culture (UNESCO), chez Karthala. Il s’agit, comme dit précédemment, d’une thèse dont Joseph Ambourouè-Avaro reconnaissait lui-même le caractère éminemment provisoire et qu’il avait l’intention de reprendre en vue d’une publication. Sa mort en a disposé autrement. Il reste que cette thèse qui porte principalement sur les Orungu est une grande contribution à la connaissance du Bas Ogowè au XIXème siècle. Comme devait le noter l’un de ceux qui ont parrainé cette publication posthume : « L’effort d’Avaro a porté principalement sur l’étude minutieuse et érudite d’une région du Gabon : le Bas Ogowè et plus précisément le royaume Orungu. Il s’est particulièrement attaché à situer la crise culturelle qui a accompagné la colonisation et la difficulté des Gabonais à reconstruire leur personnalité. Avaro a opéré une véritable percée qui a permis de mieux appréhender la vision interne des sociétés africaines et la logique de leur évolution. Il a notamment montré comment la logique organique d’une civilisation originale, qui avait lentement construit sa culture, en équilibre avec le milieu naturel, s’est trouvée évincée par l’irruption des valeurs d’échange… ». Cette œuvre contient deux idées-forces et un message.

1. Idées-forces :

a)- Avant la colonisation

On est en présence :
• d’une économie fondée sur l’agriculture itinérante sur brûlis, sur la chasse et la pèche
• d’une organisation sociale reposant sur les structures parentales
• d’une conception de l’homme comme « force et énergie »
• de rapports sociaux fondés sur la solidarité et mettant l’accent sur ce que l’on est plutôt que sur ce que l’on a.

b)- Après la colonisation

On assiste à :
• l’irruption de l’économie marchande et de l’échange monétaire
• l’importance accordée à l’argent qui fait que tout devient marchandise
• l’avènement d’une société dont les rapports sociaux deviennent inégalitaires, où l’égoïsme se substitue à la solidarité et où la valeur de l’homme repose désormais sur ce qu’il a et non plus sur ce qu’il est comme auparavant.

2. Message :

Sans être clairement formulé, il souligne la nécessité de revenir, même dans un cadre qui a fondamentalement changé, aux valeurs de solidarité et d’entraide, sans pour autant tomber dans l’assistanat, et de juger les gens à partir de ce qu’ils sont et font et non à partir de ce qu’ils ont. Un message d’autant plus important qu’avec les temps qui courent c’est le règne du chacun pour soi…

Gaston NWÈNDOGO